La 9e édition du festival VO/VF « Traduire le monde » a décerné le Prix de la traduction Inalco 2021 à Sabrina Nouri-Moosa pour sa traduction du persan d’Afghanistan de l’ouvrage « La mort et son frère » de Khorsraw Mani (Actes Sud, octobre 2020).
Le prix de la traduction Inalco-VO/VF 2021 est décerné à Sabrina Nouri-Moosa pour sa traduction du persan d’Afghanistan de l’ouvrage La mort et son frère de Khosraw Mani, paru chez Actes Sud en octobre 2020. © Juliette Berny
Sabrina Nouri-Moosa est diplômée du Celsa-Sorbonne Université. Elle a déjà traduit plusieurs romans du persan en français, tels que Les mille maisons du rêve et de la terreur, Terre et cendres et Le retour imaginaire d’Atiq Rahimi (tous publiés chez P.O.L) mais également Perdus dans la fuite d’Assef Soltanzadeh (Actes Sud, 2020).
Discours de cérémonie par Marie Vrinat-Nikolov
J’ai le grand plaisir de remettre le prix 2021 à Sabrina Nouri pour sa traduction du persan d’Afghanistan de La mort et son frère de Khosraw Mani (Actes-Sud 2020).
Traduire Khosraw Mani, jeune écrivain afghan exilé en région parisienne, c’est traduire une écriture imagée et métaphorique, toujours en suspens entre réel et imaginaire. toujours à première vue détachée, imbriquant la parole de nombreux narrateurs (hommes, femmes, enfants, arbres, chiens…) pour mieux faire ressortir sans sensiblerie, sans misérabilisme, le tragique de la mort, la violence de la mort à Kaboul, la fragilité de la vie, notre fragilité à nous, humains. C’est suivre le rythme tantôt apparemment tranquille, le plus souvent inquiet, précipité, d’une narration éclatée qui part d’un événement horrible (ici une roquette qui s’abat sur la maison d’un jeune homme qui vient de la quitter pour rejoindre son amante dans un café de Kaboul) pour bifurquer, diverger, converger, abolir la perception du temps dans lequel passé, présent qui n’en finit pas et futur se fondent en un.
Ce que les lecteurs ont aimé, notamment, et je me permettrai de citer quelques extraits des avis que nous avons reçus :
« Un très beau roman qui nous emmène à Kaboul de manière surprenante : le lecteur est invité à prendre une part active pour reconstruire l’image à travers les différents récits menés par une écriture vive souvent très ironique mais aussi poétique. »
« Une façon détournée d’évoquer dans le détail la situation difficile de cette ville. »
« Une façon de parler de l’exil et de littérature aussi (c’est un récit né en une nuit d’un narrateur exilé à Paris). »
Tout cela, nous, lecteurs qui ne lisons pas La mort et son frère mais sa traduction, nous le devons en grande partie à Sabrina Nouri qui a su nous bouleverser en écrivant en français ce rythme, cette oralité. L’expert que nous avons chargé d’analyser texte écrit en persan d’Afghanistan et traduction en français a insisté sur cette oralité :
« Cette mise à l’écrit de l’oral dans l’original ne conduit pas à un appauvrissement du style, au contraire. L’oralité chez Monsieur Khosraw Mani est synonyme de subtilité. Et, lorsqu’il s’agit de traduire cette interaction, le passage de l’oral à l’écrit est redoublé par le passage d’une langue à l’autre. Force est de constater que le résultat est au rendez-vous : la qualité de la traduction est indiscutable car issue de la plume de Madame Sabrina Nouri, traductrice émérite de la littérature afghane. L’utilisation du registre familier paraît évidente : l’auteur veut rester fidèle à l’expression de la rage et / ou du désespoir. Utilisation qui donne au texte une couleur particulière, un style mélangé. La traductrice restitue ce dernier en reproduisant son dosage, son intensité et sa spontanéité. »
Merci et bravo à vous, chère Sabrina !
La mort et son frère de Khosraw Mani
Dans le roman primé, l’auteur afghan Khosraw Mani retrace l’histoire d’un drame à travers une narration collective. Un homme sort de chez lui pour retrouver sa bien-aimée. Dix minutes après son départ, une roquette détruit sa maison et tue quatre membres de sa famille. Trente points de vue, et autant de protagonistes, relatent ce drame. Ainsi les voix de Kaboul, de l’aube jusqu’à tard dans la nuit, racontent-elles des histoires d’amour, de corruption, de remords, de sexe, de massacres, de pertes, de gains, de mensonges, de cruauté, d’amitié… Une journée dans un coin du monde où la mort n’est qu’une anecdote à peine commentée, vite oubliée. (Livres hebdo – 4/10/2021)
Né à Kaboul en 1987, Khosraw Mani a grandi en Afghanistan. Diplômé en sciences politiques et juridiques de l’université de Kaboul, il vit depuis 2015 à Paris comme réfugié politique. La Mort et son frère est son sixième roman, le deuxième à être traduit en français après Une petite vie (Intervalles, 2018).
(re)Voir la cérémonie de remise du Prix de la traduction Inalco 2021, en présence des membres du jury Nathalie Carré et Marie-Vrinat-Nikolov (3 octobre 2021, Festival Vo/Vf)
Le prix de la traduction Inalco – Festival VO/VF, le monde en livres
Doté à hauteur de 1000 euros, ce prix est destiné à mettre en avant la qualité du travail d’un traducteur ou d’une traductrice ainsi que la richesse de littératures parfois encore peu connues du grand public car souvent moins diffusées. Sont éligibles à ce concours les textes en prose (nouvelles ou roman), publiés au cours des trois années précédant la remise du prix (2016-2018 pour l’édition 2019). Les ouvrages traduits par des membres ou des étudiants de l’Inalco ne peuvent être présentés.
Par cette initiative, l’Inalco souhaite mettre en lumière son expertise en matière de traduction, tout comme la reconnaissance du travail du traducteur et de son éditeur dans le dialogue entre les littératures du monde. L’Inalco remercie tout particulièrement M. Jacques Lalloz, diplômé de l’Inalco (Japonais, 1970), qui a participé au financement du prix.